Un bon article résumé par anticipation ces mondiaux.
Pas d'aigreur, ni de chauvinisme .
Le coq est toujours grippé. Et le H1N1 n'y est pour rien… Comme une vieille rengaine, son chant a, une fois encore, du mal à se faire entendre dans l'enceinte des stades olympiques. Depuis le 15 août, journée d'ouverture des Mondiaux de Berlin, l'équipe de France n'a remporté qu'une seule médaille en six jours de
compétition. Une breloque en bronze, après vingt-deux épreuves
disputées (sur quarante-sept). Les Etats-Unis sont déjà loin devant avec huit médailles, dont trois en or.
Bouabdellah Tahri, 30ans, a arraché, mardi 18 août, la troisième place au 3000 mètres steeple. Une médaille qui "fait du bien", comme l'a soufflé le président de la Fédération française d'athlétisme, Bernard Amsalem, après la course. "Au bout d'un grand effort, il y a toujours une grande joie, a lancé Ghani Yalouz, le directeur technique national (DTN), au médaillé. Merci, merci, merci!" Un peu de réconfort donc. Car encore une fois, la France déçoit lors d'un grand rendez-vous planétaire. Comme Mehdi Baala,le double champion d'Europe du 1500 mètres, qui a terminé septième en finale, mercredi 19 août au soir. En 2007, aux championnats du monde d'Osaka (Japon), les tricolores avaient chipé "seulement" deux médailles d'argent grâce au marcheur Yohann Diniz (50km) et au perchiste Romain Mesnil. L'or de Ladji Doucouré au 110 mètres haies et du relais 4x100 mètres messieurs en 2005 à Helsinki (Finlande) semblent remonter à l'antiquité.
"L'athlétisme est devenu un sport universel avec plus de 170 pays représentés (202 pour cette édition). Il faut persévérer, souligne Bob Tahri. J'en suis à mes sixièmes championnats du monde et c'est la première médaille que je rapporte." Certes, il faut de la persévérance; un peu de chance aussi… Yannick Fonsat, 21 ans, champion d'Europe espoir, n'a pas pu s'aligner au 400 mètres, mardi : il s'est fait subtiliser, peu avant le départ, le sac contenant ses chaussures à pointe. Christophe Lemaître, 19 ans, la nouvelle pépite du sprint français, a été disqualifié pour un faux départ au 2e tour du 100 mètres, samedi 15. Beaucoup d'observateurs le voyaient courir la finale face au Jamaïquain Usain Bolt et descendre sous la barre des 10 secondes, ce qu'aucun blanc n'a jamais réalisé. Et que dire de l'abandon sur douleurs au premier tour de Mahiédine Mekhissi, le vice-champion olympique du 3000 m steeple, dimanche ? L'athlète a
passé sa colère sur une bouteille d'eau et sur quelques journalistes.
Si Berlin n'était finalement qu'un marchepied pour les prochains Jeux olympiques? "Il y a un changement de stratégie, explique Bernard Amsalem.
Auparavant, chaque année il y avait un événement, comme les mondiaux, les championnats d' Europe… Là on veut réussir Londres. Les JO de 2012 sont l'objectif." Pas étonnant, dès lors, de voir une formation tricolore rajeunie, se passant volontiers des services de "vieux de la vieille" comme Christine Arron, Muriel Hurtis ou Eunice Barber.
"RÉUSSIR À LONDRES"
Pas grave, alors, de suivre les finales devant le poste de télé pour la plupart des 75 athlètes français présents aux mondiaux. L'essentiel est de préparer la relève, de les plonger dans le chaudron de l'élite mondiale, d'observer leur comportement sur et en dehors des pistes.
Ghani Yalouz le martèle à chaque occasion: "Il faut qu'il y ait une cohésion d'équipe. Ce qui nous réunit, c'est réussir… Réussir à Londres." L'un des autres enjeux de Berlin –moins perceptible– est de "décomplexer" ces jeunes pousses lors de grands événements sportifs. Effacer des têtes cette fameuse "peur de gagner" très française. "L'une des grandes différences avec les Américains, c'est que eux ne se mettent aucune barrière mentale, explique Christophe Brissonneau, sociologue du sport. Lors d'une course, ils se disent que rien n'est impossible, alors que les Français se disent qu'ils vont essayer." Un constat que partage Bernard Amsalem.
Cette préparation mentale doit passer par un suivi médical plus poussé. "J'avais demandé que des psychologues accompagnent les athlètes, raconte M. Amsalem. Ils m'ont répondu: “Mais on n'est pas fous”!" Pour le président de la Fédération d'athlétisme, cet aspect médical est une priorité de son mandat. "En France, les athlètes ont encore du mal avec les médecins, note M. Brissonneau. C'est encore mal vu." En Amérique du Nord, les entraîneurs l'ont compris depuis longtemps: une bonne récupération –sous l'œil attentif des médecins– permet de
progresser à l'entraînement. "On ne parle pas de dopage. Récupérer permet surtout d'augmenter la charge de travail à l'entraînement", ajoute le sociologue. Certains coaches canadiens suivent des formations médicales afin de pouvoir donner les premiers soins à leur protégé s'il se blesse lors d'une séance.
Ghani Yalouz espère cinq médailles au plus. "Disons qu'on serait déçu avec deux", confie le DTN. Les mondiaux prendront fin le 23 août. D'ici là, Renaud Lavillenie, leader mondial de la perche cette saison, et le vice-champion du monde Romain Mesnil entrent en scène jeudi ; le vice-champion du monde du 50km, Yohann Diniz, vendredi. Encore un effort. Impossible est-il français ?
Mustapha Kessous
Article paru dans l'édition du 21.08.09.