VOICI LE CR DE VINCENT ...que vous pouvez lire également sur le site des foulees de TOM
Merci aux Foulées.....
Confidences de Vincent Fleurette: pourquoi il a abandonné ?
foulees | 25 octobre 2010 at 12:56 | Tags: diagonale des fous, grand raid de la réunion, vincent fleurette | Catégories : La Diagonale des Fous | URL : http://wp.me/pluie-nw
Des nouvelles de Vincent Fleurette, dossard n°247, Messin, Foulée de Tom et homme de fierté qui a été contraint d'abandonner vendredi 22 octobre à 17h01 lors du Grand Raid de la Réunion, la Diagonale des Fous...
Encore sur l'île, avec sa douce, il reprennent l'avion mercredi soir. En attendant de trinquer avec les copains,
voici son témoignage :
Un peu floiu le fou
" Pourquoi j'ai abandonné ? Pas à cause de la fatigue, ni des chemins, pas parce que je n'avais pas le niveau, mais parce qu'il a fallu décider, en un instant :
- Soit de poursuivre malgré tout et contre une organisation "désorganisée" et ainsi mettre ma vie en danger (7 à 8 heures de parcours entre Hellbourg et Cilaos en autonomie complète puisque pas de ravitaillement assuré) à 2300 m d'altitude.
- Soit abandonner mon rêve de finir ce raid et rendre mon dossard conscient de mes limites, mais surtout de celles de l'organisation du Grand Raid qui a préféré "sacrifier" tous les passionnés amateurs comme moi en rallongeant un parcours en dépit du bon sens pour faire la part belle aux pros, à l'élite.
Le compte rendu de mon parcours :
Nous somme jeudi 21 octobre il est 15h30. Après un bon repos à l'hotel me voilà sur le départ avec Sylvie qui s'occupera de mon assistance "sauvage" tout au long du parcours. La voiture est chargée et nous prenons la direction de St Philippe qui se trouve à environ 1h30 de Saint Gilles les Bains. Pendant le voyage nous profitons pour revoir notre organisation et vérifier que nous sommes "ready" pour cette aventure. Arrivés sur le site du départ vers 18h00, nous rencontrons un couple de Strasbourgeois connus il y a quelques temps sur le forum de la Diagonale. Nous décidons de faire repas commun et nous voici attablés dans un restaurant local qui a prévu un "poulet pates" spécial coureurs.
Heureusement pour nous, car la soi-disant collation de l'organisation se résume à de la brioche et du café. Un peu léger pour des raiders un peu fous !!
3 heures plus tard, et après quelques animations musicales, les 2.700 dingues que nous sommes sont prêts à en découdre et c'est armés de notre bardat et de notre courage que nous partons sur les ordres du starter avec 15 minutes de retard.
A ce moment du récit, il y a plusieurs choses à intégrer pour mieux comprendre la suite...
- Nous apprenons au briefing que la forêt de Belouve est remplacée par 13 km supplémentaires de sentiers techniques avec dénivelé positif ;
- Le départ est reculé de 15 mn mais pas les barrières horaires que nous devons respecter pour rester dans la course ;
- Les jéoles partent avant nous pour la première année et cause un ralentissement dès la moitié du peloton dans les premières difficultés.
Reprenons : après les coups de canon de départ, car ce moment est tout simplement féérique !! Des milliers de spectateurs se sont massés tout au long des 4 premiers km, pour nous encourager. Toute la presse locale et internationales est présente et les flashs crépitent de partout. Bref un vrai départ d'une grande course mythique et digne de ce nom, pensais-je...
Durant les 11 km suivants, le peloton s'étire au rythme de chacun, alternant marche et course dans une pente lègère au milieu des bois et des champs de canne à sucre. Je suis aux environs de la 2000 ème place bien à l'abri dans le peloton. Belle erreur !! au niveau du poste de Mare longue, les difficultés commencent. 7,8 km de montée avec 2.400 mètres de dénivelé positif sont au programme. On monte à 4 pattes, la tête dans les baskets de celui qui nous précède. Une longue chenille lumineuse progresse au ralenti car en plus de la difficulté du terrain, devant nous se trouve les jeoles. La montée devient rapidement une parodie de course et c'est après 8h20 à la 2112ème place et avec 1h30 de retard sur mon objectif que j'arrive au ravitaillement de Foc Foc (2350 m d'altitude, 2°).
A ce ravitaillement, je ne trouverai rien de chaud à boire, et seuls des fruits et de l'eau glacée me seront proposés. Je repars donc très vite dans la direction du volcan avant de prendre froid.
Une odeur de souffre, un ciel rouge sang, j'arrive au niveau du cratère en fusion qui se trouve à environ 300 m en contrebas de notre chemin. INDESCRIPTIBLE...
Je tente de prendre une photo mais elle ne reflète pas la beauté du site : 2 points rouges..:-((
Vite ! encore 7,2 km et je retrouve Sylvie au volcan. Elle y est depuis la veille 22h. J'arrive enfin et la voir me fait du bien, elle a froid et moi aussi. J'attrape deux verres de soupe que je partage avec elle et je repars sans perdre de temps pour la "plaine des sables" : 5,2 km dans un paysage martien au sommet du volcan.
Puis vient la montée de l'oratoire Sainte-Thérèse. 900m D+, à flan de paroi de basalte. Je ne suis pas fier, je pense avoir laissé mon empreinte dans la roche ! tellement je la colle. Bah oui, j'ai le vertige !!
5km plus loin dans des pierriers qui n'en finissent plus, je retrouve mon assistance au Piton Textor situé au 40ème km avec déjà 10h10 de course et 3.000 mètres D+ avalés. Le moral est bon je viens de reprendre 100 places et 20 mn sur mon retard, cool !! Le soleil est levé, la brume disparait, et j'entame la descente vers Mare à Bout.
Il y a 12 km entre les 2 ravitaillements qui se situent entre la Plaine des Caffres et la Plaine des Palmistes. Des étendues de champs verdoyants où l'on évolue dans des lits de cours d'eau assechés pour la plupart avec des barbelés de 1,5m de hauteur de chaque côté. Un gros pourcentage de la descente se fait sur des marches improvisées en rondin de bois humide et des échelles permettent de traverser les clôtures. 10h10 j'arrive à Mare à Bout. Sylvie m'attend avec mes affaires de rechange et la pluie commence à tomber. Aïh !! 3 ampoules, je ne traine pas et promets à ma chérie de la retrouver le lendemain matin à Dos d'âne. Je me dirige vers la tente des repas, afin de me réchauffer un peu mais malheureusement mes coquillettes sont froides, baignent dans l'eau et sont sans sel. Et je ne parle du poulet qui ressemble à un morceau de charbon de bois. Une petite dame derrière moi se verra refuser un second morceau, par le militaire un peu t rop "militaire" qui l'informe qu'il n'y qu'un morceau de poulet par raider, c'est la diete !!
Quartier d'orange, banane, café, voici les ingrédients d'un "gros ravitaillement" façon Grand Raid... au prix de l'inscription, c'est un peu léger !
Je me brosse les dents, ajuste mon bardat et zouuuu... en route. Je suis au 50ème km et il en reste 113km. La direction du col de Bebourg, se fait tranquillement sur des sentiers verdoyants pendant 5km. Mais le physique commence à souffrir, à ce moment là de la course il y a déjà près de 600 abandons. C'est énorme mais ce n'est que le début.
Les 20 km suivants sont un véritable calvaire !! Il me faudra plus de 5 heures pour les parcourir, de l'avis de tous cette partie ayant été rajoutée au dernier moment, n'a pas grand intérêt. Nous prendrons 900 m de D+ sur la même colline à plusieurs reprises dans un sens ou dans l'autre sur les mêmes sentiers. Je suis au environ de la 1950ème place et vu le temps que je mets pour progresser, je sais déjà que même si je rejoinds le Gite de Bellouve et Hell Bourg dans les temps impatis, il me sera impossible de rallier le Piton des Neiges avant 21h00. En effet, cette montée du Cap Anglais, est un mur de 10km avec 1500m de D+ que l'on gravit sur des blocs de roche. Sous la pluie, dans le brouillard, la nuit tombante et sans sac assistance, ce n'est pas jouable. De plus, nous apprendrons un peu plus tard à Hell Bourg, qu'il n'y a plus de ravitaillement au sommet du Piton à 2300m d'altitude, et qu'il faudra être autonome pour une durée d'environ 8 heures.
Il faudrait donc, après 71 km et 19 heures de course se lancer dans cette partie de la course en sachant d'ores et déjà que je serai mis hors délai au pointage du sommet. Suis je assez fou ?? Non il faut croire, car à ce moment de la course, je sais que je prends un risque car la fatigue, et la difficulté du terrain me font prendre la décision de pointer dans les temps et de rendre mon dossard en bas du Cap Anglais.
La dizaine de personnes qui m'accompagnent à ce moment là, fait de même et pour les mêmes raisons. Elle était pourtant constituer de raiders réunionais avertis et d'athlètes de haut niveau.
A 17h01, je serai le dernier à pointer dans les temps et le 400 concurrents encore derrière moi seront mis hors délai. Une véritable hécatombe !
1100 personnes hors classement à peine à mi-cours soit environ 47 % des participants, du jamais vu sur un grand raid. Cette édition, de l'avis de tous, réunnionais, vainqueur, débutant, a été la plus rude, la plus longue et la plus incompréhensible des courses. Ces propos et ces pensées, seront confirmés via les médias lors des interviews accordés aux célébrités mais aussi aux inconnus.
Peut-être serait-il grand temps, que les ultras et le raids, reviennent à des normes plus respectueuses du coureur lambda car il ne faut pas l'oublier c'est eux aussi qui font les grands raids.
Vincent.
et sa secrétaire et assistante tout terrain : Sylvie D. "