CCC 2010 by -- MaT --

"Je ne l’imaginais pas comme ça"

Cette phrase de Jérôme (mon compagnon de course), après 30 minutes de course sous la pluie et l’orage, résume à elle seule la teneur de cette édition 2010 de la CCC

(Mais) Je suis heureux !

Heureux d’avoir couru et gravi les cols pendant 16h.
Heureux d’avoir pu pousser une nouvelle fois mes limites.
Heureux d’avoir réussi ce défi et d’en connaître un peu davantage sur moi.

Ce n’était une compétition contre les autres concurrents, mais bien une course avec, pour et contre soi-même. Un moment unique où l’on se fait face, durant lequel on sait d’où l’on vient, la place qu’on occupe face aux montagnes et surtout où l’on va. En un mot : une introspection

La course avait commencé vendredi à 10h à Courmayeur en Italie.
Peu avant le coup de feu j'aperçois Carmine et ChristoF ... ça me fait bien plaisir de voir des forumeurs aussi loin de nos terres !

Le départ est donné sous la pluie et l’orage. Des éclairs, le tonnerre et l’eau qui allaient nous accompagner tout au long de la course. « Je ne l’imaginais pas ça comme ça ! » me lance Jérôme. Bah moi non plus !

Aux vues des conditions, on opte pour un départ prudent, très prudent, peut-être trop … seules les heures à venir nous le diront.

On grimpe vers le refuge Bertone. Premier pointage, ça roule, on n’est pas dans le rouge du tout.

On enchaîne vers le premier sommet « tête de la tronche ». C’est alors que le soleil apparaît pour la première fois. Enfin ! Un peu de chaleur sur cette ligne humaine qui serpente sur les cimes alpines. La nature nous offre ce qu’elle à de plus beau, les innombrables glaciers du
Mont-blanc s’illuminent de couleurs vert-bleu et contrastent avec les sommets blancs des neiges éternelles. L’aventure prend forme.

Puis nous entamons notre descente. Les sourires sont présents chez les participants.

Ensuite, on attaque la grosse difficulté de la journée :
Le grand Col Ferret. On progresse avec Jé tranquillement. C’est lui qui ouvre. On monte bien moins vite qu’au début du mois d’Août lors de nos entraînements dans les Pyrénées, mais ce qui nous satisfait c’est de voir qu’on dépasse des coureurs et que certains connaissent (déjà) les foudres de la montagne et du dénivelé. D’ailleurs, dans les derniers mètres de D+, j’ai moi-même dû taper un peu dedans et serrer les dents.

Au sommet, on ne s’arrête pas ! On s’élance alors pour 22km de descente !
Euh oui, c’est très long, et ça nous tire bien dans les cuisses et les genoux.

C’est alors que la pluie retombe de plus belle. Nous voilà de nouveau trempés. Dans les différents petits villages suisses que nous traversons, les habitants abrités nous encouragent : « Allez Mathieu » (mon nom et sur mon dossard), « Allez les gars, c’est bien », « Bravo !
Bravo ! ». Des petits mots qui aident à continuer cette descente interminable mais dans laquelle on garde le moral. Notre objectif d’arriver à Champex (mi-course km55) le plus frais possible va être atteint semble-t-il.

D’ailleurs nous voilà en bas de la station suisse. Plus que
480m de D+ et on y est. « Ca sent bon les pâtes ! Ca tombe bien il est 19h et j’ai faim ». Enfin nous arrivons au Point des Contrôle (PC). On y retrouve Seb et Maryline, nos suiveurs pour le matériel. Ils sont enthousiastes et vu leurs visages, on comprend qu’il se passe quelque chose. Seb m’annonce qu’on est passé de la 1462 à la 752ème place.

« Vous gagnez environ 100 places à chaque PC, c’est un truc de ouf ! »…

Ces paroles décuplent encore mon appétit de dénivelé. Mais en attendant c’est une assiette
de pâtes et un yaourt.

Et nous voilà repartit à l’assaut de la nuit, frontale sur
la tête, prêt à en découdre avec les 3 grandes difficultés nocturnes : Bovine, Catogne, La tête au vent.

On commence l’ascension de Bovine, dans le silence, à la
lumière des frontales. De gros rochers tels des marches nous obligent à appuyer fort sur les bâtons. L’eau ruisselle sur le sentier, il y a de plus en plus de boue, les torrents gonflent et leur débit devient important. Au moment d’en franchir un, pas le choix, nous devons mettre les pieds dans l’eau jusqu’à la cheville. La pluie ne faiblit pas et nous sommes trempés.

Au sommet, le froid se fait sentir. On amorce alors notre
descente vers Trient sans tarder.

Nous y retrouvons Seb et Maryline. On est content de les
revoir. Malgré les conditions difficiles, j’ai un gros moral, pas de problèmes physiques, juste un peu de fatigue générale mais rien de méchant. Il tourne
alors dans ma tête des « Allez, c’est bon, on va au bout là ! », « Plus que deux sommets et on y est », « Même sur une jambe je finirais cette CCC »… 3 minutes et hop, on repart. Direction Catogne.

Je me retrouve alors en tête d’un groupe
de 5 coureurs. Comme je me sens en jambe, je mène le train. 1h10 de grimpe et nous voilà au sommet.. Là-haut, je me sens un peu fatigué car ce n’est pas facile d’ouvrir de nuit. Il faut être attentif aux rubalises qui jalonnent le parcours.

Au sommet, c’est l’ENFER : froid, vent, grésille, pluie … on a
tous froid. On ne s’arrête pas longtemps au PC « Il faut vite redescendre pour s’abriter dans la forêt ». Sauf que dans le noir, les arbres sont arrivés bien tard, et on a effectué une bonne partie de la descente à découvert
en pleine tourmente éolienne.

A 2h10 on arrive à Vallorcine (km81), le temps pour nous de prendre un truc à manger et on repart. Mais au moment de ressortir de la tente, on nous stoppe !

« Non ! Il ne reste que 17km pour arriver à Chamonix ! On monte, on redescend, et on y est ! »

La décision est tombée à 2h12 – Course neutralisée pendant 1 heure. J’ai compris qu’on ne repartirait pas. Les conditions à « la tête au vent ne permettaient plus de passer en toute sécurité ».

C’est bien dommage car, malgré la souffrance, je me sentais l’âme d’un guerrier. Même sous la neige je serais passé. J’ai même songé à partir en cachette, mais il était tout de même question de sécurité et on se doit
de respecter les organisateurs.

J’avais envie de finir cette aventure, on l’aurais terminé
sans nul doute avec jéjé, mais on n’aurais pas la joie de vivre la dernière descente. Celle que chaque coureur savoure tout particulièrement avant de franchir l’arche
d’arrivée.

Qu’importe, j’ai vécu une belle course en compagnie d’un amis, une belle remontée, et aventure formidable, on aurait certainement terminé dans les 400ème places entre 20h et 20h30 de course (On tablait sur 20h au départ) ... mais l'essentiel est ailleurs.

Bilan :

16h10 de course
80.8 km
4663m D+
5 litres d’eau bu
3 verres de coca-cola
2 gels
3 barres de céréales
200g de noix de cajou
20 gr de fromage
3 tranches de pains
1 quartier d’orange
1 banane
1 assiette de pâtes
1 yaourt
53 758 coups de bâtons …

… et beaucoup de bonheur

A+
MaT

Bravo à toi, MaT, guerrier du Mont Blanc !
Dommage pour ces 17km... mais une belle expérience et sans doute déjà l'envie de remettre ça !?
A+
Christophe

Magnifique !!!
Ton hommage à la montagne est tout à ton honneur.

Bravo a toi et merci pour ce très sympathique résumé !

Bravo Mat, tu es un champion pour nous tous...ton CR m'a presque donné envie de me lancer sur trail !

Bravo Mat .

HEUREUX de ..t'avoir lu

en retard mais avec plaisir

Bravo Mat......quelle volonté !!!!!!
Dommage d'être arrété en si bon chemin....... mais ce n'est que partie remise
Bonne récup

Beau récit Mat ! J'y retrouve toute l'intensité de la course.
Tous les moments que nous avons vécu durant cette mémorable journée !

Quand je pense que la veille du départ, j'appréhendais la chaleur sous cette canicule alpine...

Dès le départ, nous étions tous bien trempés après avoir patienté durant les hymnes suisse, français et italien.
Pourtant, j'étais persuadé que les choses allaient s'améliorer en altitude.

Ce fut le cas en partie lorsque nous avons pénétré en territoire helvète.
C'est seulement à ce moment-là que j'ai pris du plaisir car, enfin, je pouvais admirer ce somptueux panorama au pied du massif du Mont-Blanc.

Malheureusement, cela n'a pas duré et le mauvais temps ne nous aura rien épargné dans les kilomètres qui précédèrent la montée vers Champex.

Sous un déluge quasi permanent, et je l'avoue, sans bâtons, l'ascension de Bovine fut particulièrement rude.
D'autant que j'ouvrais la voie en précédant un groupe d'une bonne douzaine de coureurs, tous équipés de leurs précieux bâtons.
Arrivé au sommet, las de toute cette boue, de cette pluie incessante et de ces superbes montagnes que finalement je n'aurai pas eu la chance de pouvoir admirer, j'ai décidé de descendre tranquillement vers Trient sans forcer, sans prendre le risque de chuter et donc de me blesser.

Arrivé à Trient, avec un peu plus de 70 bornes au compteur et après environ 13H30 de "brasse coulée" et de "patinage artistique" dans les longues descentes boueuses de Bovine, j'ai sagement décidé de stopper l'aventure.
Bien que nous ayons brièvement échangé quelques mots à Trient, que je me sentais encore en forme physiquement et mentalement, je ne voulais plus continuer cette "course", tellement j'en avais marre de ne pas pouvoir courir.
Et quand on ne prend plus de plaisir, il vaut mieux arrêter car c'est souvent là que l'on risque de se blesser.

J'en ai profité pour plaisanter avec les bénévoles et les spectateurs ainsi qu'avec les gens présents dans l'infirmerie.
Et c'est comme ça, par le plus grand des hasards, que je suis tombé sur un coureur thionvillois, Fred Mallet, qui allait également stopper son effort à Trient.

Comme tu l'as si justement écrit, cette expérience est néanmoins très positive car elle nous aura permis de mieux sonder nos limites ainsi que nos réelles envies.
Grâce à cette CCC dantesque, je sais déjà que je ne renouvellerai plus ce genre de course car je pensais vraiment pouvoir courir bien plus de km que ce que j'ai effectué en marchant.
J'ai l'habitude de faire de la rando et du trek en montagne, et là, j'ai eu clairement l'impression d'être parti pour un trek autour du Mont-Blanc.
Bref, tout sauf effectuer un trail !
C'est peut-être pour cela que nos amis réunionnais ne parlent pas de trail lorsqu'ils évoquent la Diagonale des Fous mais bien de raid ! C'est le GRR, grand raid de la réunion et non un quelconque UTR, ultra trail de la Réunion !

J'ai repris mon entraînement hier soir par une première sortie de 15 km histoire de voir comment se comportaient mes jambes.
A priori, pas de souci, je peux donc maintenant entamer ma prépa pour la Saintélyon !
Il est certain qu'avec toute la flotte prise sur la tête durant cette CCC écourtée, je suis définitivement blindé contre les intempéries !
Ainsi, quelles que soient les conditions météo en ce début décembre, je serai certainement mieux préparé que lors de la dernière édition.

Un grand bravo aussi à Carmine qui, sans bâtons, est allé au bout de la CCC, en franchissant la ligne d'arrivée vers 6H20... après plus de 7H de course pour effectuer les quelques 27 km entre Trient et Chamonix !!!...

Dernier point : j'ai une pensée pour toutes celles et ceux qui n'ont pas pu prendre le départ de la TDS (course annulée) ou de l'UTMB (course annulée après environ 2 heures de course, puis requalifiée en "ccc" par texto adressé dans la nuit aux coureurs inscrits...du grand n'importe quoi !!!).
J'en ai vu qui avaient les yeux bien rouges et vitreux tant ils étaient déçus de ne pas avoir pu prendre le départ de l'une ou l'autre de ces 2 courses.
Tant d'effort durant des mois de préparation... et tant d'argent dépensé pour certains coureurs "smicards"...
Certes ce sont les caprices de la météo en montagne, forcément imprévisible et cela d'autant plus que l'on s'inscrit 8 mois à l'avance !
Mais il faut bien admettre que c'est tout de même frustrant.
En tout cas, je comprends l'amertume de certains coureurs (et le mot est faible !!!)...
C'est pourquoi je leur souhaite de rebondir très vite en participant à d'autres trails, histoire d'effacer cette désagréable mésaventure...

"Et quand on ne prend plus de plaisir, il vaut mieux arrêter car c'est souvent là que l'on risque de se blesser."

Cela devrait être lu avant chaque départ de course.

bravo a vous tous qui avez relevé ce défi.

Bravo tardif Mat, une source d'inspiration pour quelques toiles, non?

A+